Partie 1 : Un pilier essentiel de la prévoyance Suisse
25 Juin 2025
En 1985, la vignette autoroutière devient obligatoire et coutait alors 30 francs pour circuler sur les autoroutes suisses. Au travers d’un rapport, le Conseil fédéral concluait aussi qu’il fallait entreprendre une révision complète de la Constitution fédérale et le peuple suisse rejetait l’initiative populaire « Extension de la durée des vacances payées ».
Parmi ces rappels historiques, on peut noter que le prix de la vignette autoroutière a été fixée à 40 francs en 1995, montant resté inchangé depuis, et qu’elle est passée au format électronique l’année dernière. L’année 2024 marque également l’introduction de la 13e rente AVS dans la Constitution fédérale. Quant au cadre légal des congés payés, il n’a connu aucune évolution majeure depuis 1985, malgré plusieurs tentatives d’amélioration qui ont été rejetées.
Mais 1985 marque surtout l’entrée en vigueur de la Loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité — plus connue sous le nom de LPP. Cette loi-cadre minimale constitue le socle du deuxième pilier et un jalon majeur du système de sécurité sociale helvétique. Il convient toutefois de rappeler que de nombreux employeurs avaient déjà mis en place une prévoyance pour leurs employés avant cette date. En cette année 2025, saluons avec plaisir l’anniversaire de cette assurance sociale essentielle, devenue quadragénaire !
Souhaitons également un joyeux anniversaire à toutes les personnes qui fêtent leurs 65 ans cette année : elles auront, en principe, cotisé une carrière complète à la LPP (de 25 à 65 ans, soit 40 ans) — et investi environ 1 500 francs en vignettes autoroutières au passage !
Rappelons quelques dates fondamentales :
Au fil des années, la LPP a évolué, suscitant débats et adaptations. Au cours des prochains paragraphes, faisons un petit arrêt sur image et jetons un coup d’œil dans le rétroviseur pour en revisiter quelques éléments clés. Dans cet article, nous abordons
01
Avec l’introduction de la LPP en 1985, la prévoyance professionnelle est devenue obligatoire pour tous les salariés dont le revenu dépasse un certain seuil. Il s’agit d’un montant annuel minimum que doit percevoir un salarié pour être automatiquement affilié à une institution de prévoyance, couvrant à la fois l’épargne vieillesse ainsi que les risques de décès et d’invalidité.
Aujourd’hui, ce seuil est fixé à 22 680 francs par an. Dès qu’un salarié gagne plus que ce montant, son employeur est tenu de l’assurer dans le cadre de la LPP. En revanche, ce mécanisme pénalise certaines catégories de travailleurs, notamment les personnes à temps partiel ou celles exerçant plusieurs emplois dont aucun ne franchit individuellement ce seuil. Elles se retrouvent parfois exclues de la prévoyance professionnelle, malgré un revenu global suffisant.
Ce seuil d’accès a donc été au cœur de nombreux débats politiques. Le projet de réforme de la LPP, rejeté par le peuple le 22 septembre 2024, proposait notamment d’abaisser ce seuil à 20 412 francs, dans le but d’élargir la couverture à un plus grand nombre de travailleurs, incluant ceux à temps partiel. Il convient notamment de noter que de 1985 à 2004, le seuil d’entrée dans la LPP correspondait à 100 % de la rente AVS maximale annuelle. Il a été abaissé à 75 % en 2005, une amélioration sensible à l’époque … mais qui date déjà d’il y a 20 ans.
Lorsqu’un employeur choisit d’assurer ses employés sans tenir compte — totalement ou partiellement — du seuil d’entrée, on parle alors de prévoyance enveloppante, qui va au-delà du minimum légal prévu par la LPP. En pratique, de nombreux employeurs intègrent tous leurs salariés (voire à partir d’un seuil inférieur aux 22 680 francs réglementaires) à l’institution de prévoyance. Ce seuil constitue donc un paramètre central dans la définition d’un plan de prévoyance.
S’il reste utile pour éviter une complexité administrative excessive et des coûts disproportionnés, on peut se demander : freine-t-il aujourd’hui le développement de la prévoyance vieillesse ?
02
Une fois affilié à une institution de prévoyance, un autre paramètre essentiel entre en jeu : la déduction de coordination. Ce montant fixe est soustrait du salaire annuel pour déterminer le salaire assuré, base sur laquelle reposent les cotisations et les prestations futures. Son objectif est de coordonner les prestations du 2e pilier avec celles de l’AVS (1er pilier), afin d’éviter une double couverture sur la même tranche de revenu.
Le salaire coordonné maximal est limité à 90 720 francs, soit trois fois la rente AVS annuelle maximale. La déduction de coordination est pertinente pour les salaires modestes à moyens. En revanche, son application uniforme est moins justifiée pour les hauts revenus, car les prestations combinées des 1er et 2e piliers ne suffisent souvent pas à maintenir le niveau de vie antérieur.
Tout comme le seuil d’entrée, la déduction de coordination a été adaptée en 2005. De 1985 à 2004, elle correspondait à 100 % de la rente AVS annuelle maximale ; depuis, elle a été abaissée à 87,5 % de ce montant, ce qui a permis d’augmenter légèrement le salaire assuré. Cependant, comme ce montant reste fixe, il désavantage les salariés à temps partiel (ce que la réforme de 2024 avait prévu de corriger, mais sans succès suite au refus de celle-ci). Dans un marché du travail où ces formes d’emploi sont de plus en plus courantes, une déduction proportionnelle au taux d’activité devient une piste sérieuse. C’est d’ailleurs une caractéristique fréquente des plans dits enveloppants.
Si la coordination reste nécessaire pour son intégration avec l’AVS, dans les faits celle-ci est souvent compliquée à assimiler pour les assurés, génère une administration additionnelle et limite les prestations de prévoyance pour les assurés. Celle-ci devrait-elle être complétement éliminée ?
03
La LPP prévoit que la prévoyance vieillesse se constitue entre 25 et 65 ans. Quatre classes d’âge de 10 années sont prévues avec des bonifications de vieillesse croissantes. Le tableau ci-après en rappelle l’évolution, tout en notant que les classes d’âge des femmes n’ont été unifiées à celles des hommes que dès 2005.
Hommes dès 1985 (an) | Femmes de 1985 à 2004 (an) | Femmes dès 2005 (an) | Bonifications de vieillesse (1985 – 1986) | Bonifications de vieillesse (dès 1987) |
---|---|---|---|---|
25 - 34 | 25 - 31 | 25 - 34 | 7% | 7% |
35 - 44 | 32 - 41 | 35 - 44 | 10% | 10% |
45 - 45 | 42 - 51 | 45 - 45 | 11% | 15% |
55 - 65 | 52 - 62 | 55 - 65 | 13% | 18% |
Relevons que , dans le projet de loi de 1975, un âge d’entrée de 20 ans avait déjà été étudié ! Débuter les cotisations épargne avant 25 ans permet une plus grande flexibilisation améliorant le potentiel total des prestations de vieillesse. Il en va de même de la possibilité de poursuivre, dans certains cas, l’épargne vieillesse au-delà de 65 ans.
La question des bonifications de vieillesse croissantes avec l’âge reste particulièrement intéressante à analyser. Pour rappel, le financement des prestations de vieillesse dans la LPP repose aujourd’hui sur la primauté des cotisations : les cotisations sont déterminées en premier lieu, et les prestations en découlent. Avant 1985, de nombreuses institutions de prévoyance étaient toutefois financées selon la primauté des prestations, un système dans lequel les prestations sont fixées à l’avance et le financement doit ensuite s’y adapter. Dans ce contexte, le projet de la LPP partait implicitement du principe qu’il devait exister une équivalence de résultat entre ces deux systèmes, à condition que les évolutions démographiques et économiques restent normales. Ainsi, une échelle croissante selon l’âge a été mise en place pour permettre une transition plus souple entre ces deux systèmes.
Aujourd’hui, ce système pourrait aussi être revu. La dernière proposition de réforme prévoyait une approche plus simple des bonifications de vieillesse, avec une échelle de cotisations réduite à deux paliers au lieu de quatre. Cette simplification viserait à limiter l’effet de l’âge sur le niveau des cotisations, tout en maintenant un objectif de prestation garantissant une retraite convenable. Si le système actuel a fait ses preuves, une telle simplification permettrait sans doute d’atteindre les mêmes objectifs, tout en tenant compte d’un environnement où l’âge de la retraite n’est plus systématiquement fixé à 65 ans. Pour les plans dits enveloppants, la flexibilité leur permet aujourd’hui de revoir ces échelles, si cela est jugé utile, même si la transition peut être difficile à exécuter entre les différentes générations assurées dans l’institution de prévoyance.
04
Le principe du libre passage garantit que l’avoir de vieillesse accumulé suive chaque salarié tout au long de sa carrière professionnelle. Pourtant, la Loi fédérale sur le libre passage n’est entrée en vigueur qu’au 1er janvier 1995. Avant cela, chaque caisse de pension fixait ses propres règles. Lors d’un changement d’emploi, seul l’avoir constitué par les cotisations du salarié était automatiquement transféré. La part financée par l’employeur n’était souvent versée que de manière partielle, voire pas du tout, selon l’ancienneté. Il n’était donc pas rare qu’un changement d’employeur entraîne une perte significative de l’avoir de vieillesse.
Depuis 1995, la situation a changé : les dispositions légales garantissent désormais la continuité des droits des salariés sur leur avoir de vieillesse, ce qui permet d’éviter les pertes lors d’un changement d’employeur. Mais encore aujourd’hui, il appartient à chacun de suivre activement ses prestations de libre passage pour en préserver la valeur.
Ce mécanisme constitue un atout majeur par rapport à d’autres systèmes de prévoyance, où les assurés peuvent facilement « oublier » ou perdre des droits acquis au fil de leur parcours professionnel. Ce pilier de stabilité et de transparence doit impérativement être préservé.
Le système de prévoyance suisse, fondé sur le principe des trois piliers, est un quinquagénaire solide. En quarante ans, la LPP a connu des évolutions positives, comme l’abaissement du seuil d’accès ou la réduction de la déduction de coordination, renforçant notamment la couverture des femmes et des personnes à temps partiel. L’introduction du libre passage intégral, en 1995, a également marqué une avancée majeure en garantissant la continuité des droits acquis.
Ces améliorations sont le fruit de débats politiques souvent longs et complexes. C’est pourquoi il faut saluer les entreprises qui, bien avant 1985, avaient déjà mis en place une prévoyance professionnelle pour leurs salariés. Grâce à la LPP, tout salarié né en 1960 ou après peut désormais avoir cotisé 40 ans à la prévoyance professionnelle — pour autant qu’il ait travaillé en Suisse, dans des conditions soumises à la loi.
Alors, joyeux anniversaire à la LPP ! Peu importe que tu aies « officiellement » 40 ans, tu restes jeune et le meilleur est à venir : l’essentiel est de rappeler à chaque employeur l’importance de proposer une bonne couverture vieillesse. Continuons ensemble à œuvrer pour une prévoyance plus équitable, qui assure à chacun de maintenir son niveau de vie à la retraite.
Dans notre prochain article sur le thème nous couvrirons les autres éléments essentiels de la LPP et jetterons les bases du futur de la prévoyance.